Le nouveau millénaire a été synonyme de changement pour les Prix JUNO. Au cours des 30 premières années, l’événement n’est tenu hors de l’Ontario qu’à deux occasions, les deux fois à Vancouver. Mais en 2002, les JUNOS commencent à sillonner pays. Une nouvelle ville hôte prend la relève chaque année, d’un océan à l’autre, avec tous les événements publics associés aux JUNOS — des parties de hockey caritatives aux séances d’autographes — qui se déroulent durant la semaine précédant la télédiffusion du dimanche soir.
Stan Klees et le défunt Walt Grealis, fondateur du magazine RPM, la première publication consacrée à l’industrie de la musique canadienne, lancent la fête annuelle de la musique canadienne, les Gold Leaf Awards, le 23 février 1970. Celle-ci connait des débuts pour le moins modestes : à peine 250 représentants de l’industrie assistent à l’événement, tenu au St. Lawrence Hall de Toronto. L’année suivante, on rebaptise l’événement Les Prix JUNO, en l’honneur de Pierre Juneau, instigateur de la réglementation sur le contenu canadien et premier président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).
Les JUNOS sont télédiffusés pour la première fois en 1975 sur les ondes de la CBC. L’événement se déroule dans une plus grande salle d’année en année, mais il est toujours réservé à l’industrie, le public n’y étant convié que par l’entremise de la télévision. Ce n’est qu’à la fin des années 1990 qu’on commence à offrir des billets au grand public. L’événement se transporte de théâtres comme le O’Keefe Centre (aujourd’hui le Meridian Hall) à des arénas et des stades comme le Copps Coliseum (aujourd’hui le FirstOntario Centre) et la General Motors Place (aujourd’hui la Rogers Arena) de Vancouver.
En l’an 2000, les frères adolescents The Moffatts ont le privilège d’animer les tout premiers JUNOS du nouveau millénaire dans le plus grand stade à accueillir l’événement à ce jour : le SkyDome (aujourd’hui le Rogers Centre) de Toronto, où l’on a dressé un chapiteau pour environ 15 000 spectateurs. Pour la première fois, la remise des prix est étalée sur deux soirées, la plupart des prix étant attribués lors d’un événement hors d’ondes tenu au Toronto Convention Centre la veille de la remise télédiffusée. Cette approche en deux soirées est maintenue par la suite.
Une autre première : l’Académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement (CARAS) a demandé à l’artiste verrière de renom Shirley Elford de concevoir une nouvelle statuette. Celle-ci crée une élégante silhouette humaine posée sur une demi-sphère, entourée d’un ruban nickelé formant une spirale. Et elle fabrique chacun de ces trophées à la main. Ce design très prisé abandonné en 2011 — malencontreusement, l’année du décès de Shirley Elford — effectue un retour triomphal cette année pour le 50e anniversaire.
Les années suivantes, les célébrations des JUNOS évoluent de façon spectaculaire. La magnitude et la portée de l’événement vont croissant avec l’explosion du succès et de l’intérêt que suscitent, au Canada comme à l’étranger, des artistes comme Nelly Furtado, Avril Lavigne, Michael Bublé et Nickelback. Échappant au confinement aux sites de Toronto et Hamilton, l’événement prend un tour encore plus divertissant en se déplaçant à travers le pays, en commençant par la sympathique et pittoresque cité de St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador, en 2002.
La ville entre en effervescence. Les vitrines d’innombrables boutiques et restaurants s’ornent de panneaux de bienvenue. L’enthousiasme pour l’événement, généralement plus diffus dans l’agitation de la métropole canadienne, est palpable.
La même année, la CARAS s’associait à un nouveau partenaire de télédiffusion, CTV, car la chaîne publique était alors aux prises avec des restrictions budgétaires et la nouvelle mobilité des JUNOS rendait l’opération plus coûteuse.
Bon nombre de tournées de concerts ne s’arrêtaient pas à St. John’s, car le détour par la ville la plus à l’est du Canada coûtait trop cher. C’est pourquoi la présence de stars de la trempe de Nickelback, Nelly Furtado, Diana Krall et de l’artiste américain Shaggy suscite toute une effervescence autour des JUNOS à St. John’s. La ville hôte ajoute également trois composantes à ce que l’on appelle désormais la Semaine des JUNOS : La JUNO Fan Fare, une séance d’autographes en compagnie de finalistes; le JUNOfest, où des artistes locaux et des talents nationaux se produisent en salle; et le Cercle des auteurs-compositeurs des Prix JUNO, un concert intime acoustique où des artistes renommés interprètent leurs chansons et partagent des anecdotes au sujet de leur création.
Les JUNOS tels que nous les connaissons aujourd’hui, avec tous les événements périphériques qui les accompagnent, ont pris des allures de tournée nationale. L’ampleur des retombées de l’événement n’échappe pas aux instances locales : conscientes de l’extraordinaire affluence touristique suscitée par l’événement, les administrations municipales de toutes les provinces commencent à former des comités de candidature pour faire du lobbying auprès de la CARAS afin d’accueillir la remise de prix.
En 2003, la Semaine des JUNOS a lieu à Ottawa, où l’on doit donner plus d’ampleur au JUNOfest et aux autres événements pour répondre à la demande de la population. L’année est également marquée par la première édition de l’album compilation des finalistes des Prix JUNO, mettant en vedette des artistes des cinq grandes maisons de disques (qui ne sont plus que trois), lesquelles se chargent tour à tour du marketing et de la distribution de l’album, dont les profits sont versés à MusiCompte, l’organisme caritatif de la CARAS voué à l’enseignement de la musique.
L’année suivante, les JUNOS débarquent à Edmonton et l’on ajoute un événement : la Coupe JUNO, une partie de hockey caritative qui met aux prises musiciens, membres l’industrie de la musique et légendes de la LNH. Plus qu’une simple joute amicale, la Coupe JUNO est un événement compétitif auquel de nombreux musiciens sont très attachés. Certaines années, plusieurs musiciens qui ne sont pas en nomination traversent le pays pour y participer.
D’autres changements sont apportés au fil des ans. On ajoute des catégories, comme le (curieusement nommé) Album alternatif adulte de l’année et le Prix humanitaire (qui s’appelait à l’origine le Prix humanitaire Allan Waters). D’autre part, le spectacle télévisé met davantage l’accent sur les prestations musicales sur scène que sur le nombre de trophées remis en ondes. Des téléchargements numériques des prestations télévisées sont dorénavant mis en vente après l’événement et les bénéfices versés à MusiCompte. En définitive, on a trouvé la formule gagnante : Semaine des JUNOS, JUNO Fan Fare, JUNOfest, Cercle des auteurs-compositeurs des Prix JUNO et Coupe JUNO.
Comme le veut l’adage : « Go big or go home » (Vois grand ou rentre à la maison). Incontestablement, depuis 2009, les JUNOS voient grand. Et la « maison », c’est tout le pays.
Photo : Avril Lavigne montre fièrement ses quatre statuettes JUNO pour le single, l’album pop, la nouvelle artiste et l’album de l’année aux Prix JUNO 2003. Crédit : George Pimentel/WireImage.