Les pionniers de l'industrie musicale canadienne - The JUNO Awards

La musique au Canada avant les JUNOS

Appelons ça l’exode érable.

Indéniablement, le Canada a toujours été une pépinière de talents au potentiel international : on estime que Guy Lombardo, de London, en Ontario, accompagné par ses Royal Canadians, a vendu 500 millions de disques de 1929 à 1952, avant l’ère du Billboard.

Connu pour ses succès originaux comme Little Coquette, Charmaine, Home Sweet Home et Boo-Hoo – sans oublier Auld Lang Syne, le classique intemporel qui accueille le Nouvel An – Lombardo était à l’époque l’artiste canadien le plus reconnu à l’étranger.

« Il ne fait aucun doute que pendant plusieurs décennies, Guy Lombardo a été une institution internationale, confiait au Toronto Star en 1994 Peter Soumalias, cofondateur et coprésident de l’Allée des célébrités canadiennes. C’est l’une des deux seules célébrités à avoir trois étoiles sur le Hollywood Walk of Fame. L’autre, c’est Bob Hope. »

Des couples dansent au son de l’orchestre de Guy Lombardo, c. 1940 (Bettmann / Getty)

Il ne pas le seul à avoir eu une influence universelle.

Au milieu des années 1930, Wilf Carter, de Port Hilford, en Nouvelle-Écosse, déménage ses pénates à New York et devient Montana Slim pour le public des radios américaines.

Le pianiste de jazz virtuose montréalais Oscar Peterson perce à l’international en 1949, l’année même le légendaire musicien country Hank Snow, de Brooklyn, en Nouvelle-Écosse, s’établit à Nashville.

Plus tard, Paul Anka, natif d’Ottawa et idole des jeunes dont la popularité n’est surpassée que par celle d’Elvis Presley, sera le premier artiste canadien à : a) décrocher la première place au magazine Billboard, bible de l’industrie musicale américaine, avec son tube Diana; et b) répéter l’exploit une deuxième fois avec son succès de 1959 Lonely Boy. Parmi les autres artistes qui ont laissé leur marque dans les années 1950, on compte l’arrangeur jazz Gil Evans et le pianiste classique Glenn Gould, tous deux de Toronto, ainsi que les ensembles vocaux urbains The Four Lads et The Diamonds.

À l’orée des années 1960, de nombreux Canadiens commencent à investir le lucratif marché américain : le chef d’orchestre torontois Percy Faith; l’Ottavien Lorne Greene, lecteur de nouvelles devenu acteur; le Montréalais Andy Kim, qui a coécrit et chanté Sugar Sugar avec The Archies; le poète et chansonnier montréalais Leonard Cohen; Buffy Sainte-Marie, chanteuse folk de la Saskatchewan; Joni Mitchell, la voix angélique de Fort McLeod, en Alberta; le rocker torontois Neil Young; les rockers du célèbre groupe The Guess Who de Winnipeg; les membres de The Band, le groupe torontois de Bob Dylan; Anne Murray, la fierté de Springhill, en Nouvelle-Écosse, et le légendaire Gordon Lightfoot d’Orillia en Ontario.

Un jeune Paul Anka de 19 ans fait ses débuts à la boîte de nuit Copacabana en 1960 (Peter Stackpole/The LIFE Picture Collection via Getty Images)

Ces artistes influents, issus de différents horizons musicaux, ne constituaient qu’un avant-goût de ce que notre pays avait à offrir. Et ils ont tous un point commun : ils ont dû se faire connaître de l’autre côté de la frontière avant d’être reconnus à leur véritable valeur chez eux, quoique The Guess Who, Anne Murray et Gordon Lightfoot ont toujours refusé de s’expatrier.

À cette époque, on pouvait difficilement les blâmer : jusqu’en 1971, l’infrastructure nécessaire pour découvrir et promouvoir les artistes locaux était pratiquement inexistante au Canada.

Les stations de radio AM n’étaient pas obligées de diffuser des artistes canadiens, et puisqu’elles se tournaient vers les palmarès et les bulletins d’information américains pour orienter leur programmation, la plupart des stations ignoraient les artistes canadiens, ne cédant que lorsqu’un artiste local faisait une percée au Billboard ou était adopté par les radios américaines.

De plus, les maisons de disques canadiennes n’étaient pratiquement que des filiales de leurs homologues américaines. Le peu d’artistes qui obtenaient un contrat étaient recrutés au sud de la frontière ou par l’entremise du Royaume-Uni, berceau du rouleau compresseur de la British Invasion. La plupart des maisons de disques, sises à Toronto et à Montréal n’avaient pas l’autonomie nécessaire pour découvrir et développer les talents locaux.

Ainsi, par manque d’options et en raison du marché restreint, de nombreux artistes se sont établis aux États-Unis pour réaliser leur plein potentiel.

Cet exode des talents aurait pu se poursuivre longtemps, mais deux hommes, Walt Grealis et Stan Klees, mécontents du manque de respect envers les artistes de la chanson canadiens, prirent les choses en main.

Photo : Oscar Peterson, pianiste et compositeur de jazz (1925 – 2007), c. 1955. Crédit : Photos d’archives/Getty Images.